LA LETTRE DE KARINE
Iadoka à l’Haku Un Kan, Karine pense et met sa pratique à profit comme une arme pour se remettre d’une longue maladie. A la fin de l’année dernière, elle a adressé un courrier à Kendo Mag afin d’appuyer sa démarche pour faire reconnaître le Iaido par la Ligue Contre le Cancer comme activité physique adaptée à la rééducation après un cancer. Ce courrier vient d’être publié par le magazine et pour lui apporter le maximum de soutien, exprimer toute l’admiration du club pour cette combativité qui vaut tous les fighting spirit du monde et aux vues des émotions que la publication a suscité au sein de l’HUK, voici la lettre de Karine.
Madame, Monsieur
Depuis de nombreuses années, la Haute Autorité de santé reconnaît l’activité physique comme soin non médicamenteux pour améliorer la qualité de vie des patients, pendant et après un cancer, et leur offrir un moyen de « recharger les batteries ». Le sens de ma démarche aujourd’hui est de profiter de mon expérience personnelle pour permettre aux femmes atteintes d’un cancer du sein de bénéficier de séances de Iaïdo prises en charge, au moins la première année de leur parcours, et reconnues pour les aider dans leur reconstruction physique et psychique tout en contribuant à réduire les risques de récidive.
En 2022, un cancer du sein agressif m’a été diagnostiqué. J’ai alors traversé un parcours de soins éprouvant, sur une année,rythmé par de la chimiothérapie, une mastectomie, un curage axillaire et des séances de radiothérapie. Dans ma quête de reconstruction physique et mentale, j’ai cherché une activité physique adaptée, validée par la Ligue contre le cancer. L’escrime s’est d’abord imposée à mon esprit, mais aucun club ne proposait de programme adapté à mon retour progressif à la vie professionnelle.
C’est alors qu’une opportunité s’est présentée grâce à un ami iaïdoka qui m’a invitée à découvrir l’escrime japonaise. Quand il m’a présenté le Iaïdo comme un combat contre un ou plusieurs ennemis imaginaires, j’ai perçu un parallèle évident avec mon propre combat contre la maladie et la menace de récidive. Dès la première séance, j’ai compris que cet art avait une résonance particulière avec mon parcours. Guidée avec bienveillance par mon sensei, Dominique COCO, et dotée d’une arme adaptée à ma situation, le Iaïdo m’a permis de retrouver rapidement mes capacités cognitives essentielles : mémorisation des kata, concentration pour l’exécution précise des gestes et coordination des mouvements. Après un an de pratique et deux stages, j’ai acquis une perspective nouvelle et pris conscience d’autres aspects profondément bénéfiques de cet art.
La philosophie et les rituels inhérents au Iaïdo ont joué un rôle actif dans mon retour à la vie. Le simple fait de revêtir la même tenue que les autres iaïdoka, de m’habiller soigneusement pour la pratique, mais également de plier mon hakama en fin de séance ont été des moyens de réintégrer la vie sociale en me sentant « comme les autres » et aussi de me réapproprier mon corps. Enfin, dans chaque kata, la vigilance jusqu’au dernier geste et le regard toujours fixé sur l’ennemi ont été des messages forts, m’invitant à envisager l’avenir avec la détermination d’une guerrière.
Cette philosophie résonne avec mon propre parcours et c’est dans un esprit martial que je souhaiterais, avec l’aide du CNKDR, soutenir d’autres femmes traversant cette même épreuve, en partageant mon expérience naissante de iaïdoka. Malgré des douleurs persistantes liées à la maladie, chaque séance de Iaïdo continue de m’apporter une détente, un apaisement mental et un travail en douceur sur la maîtrise du lien entre le corps et l’esprit. Séance après séance, cet art martial m’aide à réintégrer, accepter et habiter à nouveau mon corps. Et je constate qu’à chaque fin de cours, les douleurs sont amoindries. Au nom des nombreuses femmes touchées par le cancer du sein (1 femme sur 8 en 2024), je sollicite de votre part une attention particulière à ma demande pour faire reconnaître le Iaïdo comme une activité bénéfique à leur reconstruction et vous remercie de l’intérêt que vous porterez à cette démarche.